Sorcière misandre

Je ne sais pas s’il est de bon ton, lorsque l’on parle d’un roman, d’en évoquer d’autres ; mais je le fais. Là où l’on pourrait y voir une incapacité à saisir l’individualité de l’auteur je prends le contrepied et donne une place particulière à Andrew Ridker dans une constellation littéraire. Dans mon ciel nocturne romanesque, il se place entre Jonathan Franzen et Claire Lombardo. Histoires de famille, familles dysfonctionnelles (ne le sont-elles pas toutes ?), personnages attachants mais néanmoins un peu têtes à claques, un savant mélange de réconfort et d’acidité.

Dans la famille Greenspan je voudrais le père, médecin prospère dont les récentes malversations l’obligent à renoncer, dans la honte, à son activité. Je voudrais ensuite la mère, surinvestie dans la vie communautaire ainsi que dans sa relation extra-conjugale. Puis la fille, dont les remous de vie sentimentale et professionnelle m’ont rappelé le personnage de Sadie, dans Demain et demain et demain — la peste soit des types qui s’éprennent de jeunes filles idéalistes et naïves. Et enfin, le fils, dont le destin tout tracé pourrait voler en éclats, car qui souhaite vraiment ressembler à son père ? La touche finale, salée et tout en démesure, est apportée par une grand-mère juive plus vraie que nature, parangon de drôlerie et de drame. Au milieu de ces crises existentielles, l’idée encore de la constellation : d’où viens-je et où vais-je, et de quoi fais-je partie ?

C’est drôle et fin, comme ces fresques américaines que l’on aime tant, qui nous parlent de l’état du monde au travers des individus, qui nous rassurent sur l’état de nos propres familles et nous donnent du grain à moudre concernant nos névroses. Et si c’est moins acide que Franzen, c’est afin de garder un peu l’espoir annoncé dans le titre, et envisager qu’après le chaos il soit possible de réparer des liens, avec les autres mais aussi soi-même.

Hope. Andrew Ridker. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Laetitia Devaux. Éditions de l’Olivier. 2023. 425p.