
Dimanche dernier j’ai dit à J, « j’ai envie de lire du Romain Gary, de découvrir ». Elle m’a mis entre les mains L’angoisse du roi Salomon, texte dont était extraite une citation que j’avais partagé quelques jours plus tôt. C’était le signe qu’il me fallait. Je l’ai débuté le soir même, et me suis laissée envelopper par une écriture qui peine à se laisser définir facilement, mais vient se loger dans le cœur.
Le roi Salomon c’est Monsieur Salomon Rubinstein, le roi du pantalon, quatre vingt quatre ans et bienfaiteur de ce que la ville de Paris compte d’esseulés, d’angoissés, de fins de parcours. Il abrite un standard d’écoute téléphonique pour celles et ceux qui au cœur de la nuit doutent de leur utilité ici bas, et prend sous son aile Jean, Jeannot (Lapin mais ça l’énerve quand les gens disent ça), un jeune type qui ne se ressemble pas. Il a une tête de voyou mais l’œil humide en voyant les oiseaux pris dans la marée noire en Bretagne. Ces deux-là vont explorer l’angoisse et la vie, qui sont souvent liées, le lien aux autres qui parle la plupart du temps de nous, ce que l’on fait par amour (universel et particulier), le pardon et l’humour.
Il est fort ce Romain Gary, avec son écriture toute remplie de phrases qui vous percent le cœur, avec ses bons mots, sa petite philosophie du quotidien jamais niaise mais toujours à propos. Il est doué de cette malice un peu saisissante ; on pense ouvrir un roman d’un vieux monsieur de la littérature, et en fait on rit, on tente de suivre ce jeune homme à la langue précise (mais un peu à côté). Je pensais être édifiée, sûrement pas autant émue et amusée et un peu triste de le refermer.
L’angoisse du roi Salomon c’est un virevoltant plaidoyer contre la résignation face à la vieillesse, contre la resignation face à la vie, tout simplement, c’est l’entretien d’un feu intérieur, une manière dessillée de considérer l’existence. Nous n’en sortirons pas vivants, il peut nous arriver des horreurs, mais soyons opiniatres et à défaut de gagner la partie, nous pourrons remporter quelques manches.
L’angoisse du roi Salomon. Romain Gary (Émile Ajar). Folio Gallimard. 2002. 350p.
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