Trahir et venger, de Laélia Véron

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Cela fait quelques années maintenant que je suis de plus ou moins près les travaux de Laélia Véron. J’avais beaucoup aimé son essai (co-écrit avec Maria Candea) « Le français est à nous », et je trouve que son positionnement en tant que linguiste face à de pseudo défenseurs d’un français figé dans l’ambre est incroyablement rafraîchissant. Je me suis donc empressée de lire Trahir et venger, mon positionnement vis à vis des récits de transfuges de classe étant mouvant et finalement complexe.

Je ne mentirai pas en disant qu’il fût aisé de rentrer dans ce texte. Et si j’ai la chance d’avoir quelques connaissances en linguistiques, c’est du côté de la sociologie que je pèche. Mes yeux se sont posés sur « perspective bourdieusienne », j’ai été chercher un stylo et un peu de concentration. Mais même si certains concepts me sont peut-être restés hermétiques, je suis ressortie de cette lecture avec encore plus de réflexions et d’interrogations qu’en y entrant (ce qui est bien).

Je n’avais pas conscience que le corpus des récits de transfuges de classe était si mince au regard des nombreuses recensions médiatiques, et que finalement cela voulait dire quelque chose. Mais également que ce corpus était à la fois hétérogène et marqué par des invariants (passages sur l’école, question de la honte etc). Et si le but des autrices n’est pas d’avoir un positionnement tranché ou de juger ces récits, il est passionnant d’en faire la critique afin d’en exposer les paradoxes. Car un genre d’abord marginalisé peut-il rester une sorte d’outsider de la littérature après avoir été Nobelisé ? Le récit des questions de classe est-il forcément politique ? Qui sont ces transfuges de droite qui refusent une mise en récit selon eux misérabiliste de leur ascension sociale ? Il y a, dans Trahir et venger, suffisamment de pistes pour amener de l’eau à notre moulin.

Trahir et venger. Laélia Véron et Karine Abiven. La Découverte. 2024. 230p.

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