
Pendant deux jours on s’est échappés avec J et J. On a marché jusqu’à avoir les mollets raides et douloureux, trempés sous une pluie froide qui n’a même pas entamé notre joie d’être là. On s’est perdus dans les ruelles et les cours intérieures, dans les allées de la Tête d’Or et les couloirs du métro. On a ri en s’étirant comme de vieux chats au milieu du salon, en s’énervant comme des ados dans la file d’attente des navettes. J’ai regardé J et J et leur manière si douce de s’aimer si fort, émue de voir que cela peut être si simple. On a meublé le temps avant le grand événement qui nous amenait là, mais de la plus jolie manière. Avec des balades et de la nourriture et des fous rires, des découvertes et des explorations. On a partagé l’excitation de s’apprêter à vivre quelque chose d’hors du commun et on s’est quittés avec un câlin avant que la musique commence. Eux à un endroit, moi à un autre. Je n’avais pas idée de ce que c’était, d’être au même endroit que soixante mille autres personnes. D’entendre les cris et les rires, l’émotion sans retenue déferlant entre les gradins. De voir la dévotion sur les visages des plus jeunes, le corps en liesse. Je ne sais pas ce que j’attendais ou ce que je venais chercher là. Peut-être la réassurance de pouvoir encore expérimenter des sensations qui me submergeraient. La jeune ado qui était devant moi a tenu à m’échanger un bracelet, la fraîcheur de son enthousiasme m’a fait fondre. Et ensuite j’ai pleuré. À chaudes larmes. D’être là, d’entendre enfin en vrai des chansons passées en boucle dans mon casque, des chansons où je m’étais identifiée, qui avaient agi comme une catharsis au moment où j’en avais le plus besoin, des chansons avec lesquelles j’avais grandi, des chansons que j’écoutais à vingt et un ans, dans mon petit appartement du cinquième étage. J’étais toute à mon émerveillement de n’être pas blasée, de ne pas avoir fermé la porte sur celle que j’avais été, de voir se dérouler devant mes yeux quelque chose touchant à la magie, et de m’y absorber, entièrement. Je continuerai d’écouter les chansons, dans mon casque, et je me souviendrai de cette vague de bonheur, ce petit tremblement intérieur, serein, du deux juin.
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