Sorcière misandre

Ne comptez pas sur moi, habituellement, pour m’embarquer dans 600 pages de fantasy, avec des nécromanciens, des combats épiques, des quêtes et des squelettes qui se déplacent tout seuls. Parce que ça n’est pas du tout mon truc. Ou du moins je le croyais. Ça, c’était avant de faire la connaissance de Gideon, l’impertinente, rebelle, hilarante Gideon. Dès que j’ai pu avoir un aperçu du personnage, de ses talents avec une épée et son inimitié viscérale avec Harrow, l’héritière de la Neuvième Maison, j’ai su qu’elle et moi, on allait très bien s’entendre.

Ce qui est moins certain, c’est la nécessité pour Gideon et Harrow de faire équipe, face aux Cavaliers et Nécromanciens des autres Maisons, afin de déterminer qui aura le privilège de devenir Lycteure. Prenez une forteresse aux multiples pièces cachées, des équipes hétérogènes et des personnalités oscillant entre étranges et franchement désagréables, des quêtes mystérieuses… et des meurtres. Et vous aurez le bon mélange pour un premier tome d’une saga de fantasy aux petits oignons.

J’oubliais, rajoutez de l’humour, beaucoup, une tension romantique queer à vous rendre maboul, des punchlines qui fusent plus vite que l’éclair, des maquillages de crânes et une ambiance très gloomy. Ça, c’est le sel, ce qui fait que même une non lectrice de littératures de l’imaginaire s’est retrouvée à dévorer ce roman en trois jours, a ri, pleuré, perdu le goût de tout sauf de passer le plus de temps possible en compagnie de Gideon.

C’est un roman extrêmement visuel, je ne cracherais pas sur une petite adaptation ciné ou série d’ailleurs, au scénario bien ficelé, qui prend sa densité dans le traitement des personnages, cassant les codes d’une fantasy un peu sérieuse avec un personnage d’outsider un peu looseuse mais terriblement attachante. Si vous êtes team Harrow, vous allez lever les yeux au ciel à vous faire sauter le cristallin, si vous penchez du côté de Gideon, préparez vos lunettes de soleil, vos épées et vos meilleures réparties.

Gideon la Neuvième. Tamsyn Muir. Traduit de l’anglais (Nouvelle-Zélande) par Stéphanie Lux. Actes Sud, 2023. 606p.