
Vous vous souvenez lorsque je vous avais dit tant de bien de Tour d’horizon de Kathleen Jamie ? Je crois qu’avec le temps je découvre un genre littéraire qui me remplit de sérénité : les récits d’autrices qui tendent vers la philosophie de la nature. Cette manière d’habiter le monde, très alignées, très ancrées, avec un espace intérieur suffisamment dégagé et organisé qui permet au regard de se tourner vers l’extérieur.
Kathleen Dean Moore est philosophe et naturaliste. Elle passe énormément de temps à camper en pleine nature, à observer les oiseaux, les arbres, les poissons. Elle enseigne aussi, et emmène avec elle des étudiants lors de séjours loin des villes. À l’instar de Kathleen Jamie, elle sait nous donner à voir les îles, de minuscules champignons, la bioluminescence de petits animaux marins dans la nuit, les repousses après de grands incendies. Elle nous murmure au creux de l’oreille le cri des tétras ou le vent dans les sapins-ciguë.
Mais là où les deux autrices prennent des trajectoires différentes, c’est que Kathleen Dean Moore n’est pas poétesse, elle est philosophe, et cela l’amène à nous interroger sur notre rapport au vivant, au sauvage, au sacré et au profane même. Forte de sa connaissance de la philosophie d’Aldo Leopold, elle nous enjoint à comprendre que nous formons un ensemble avec le vivant, que notre position n’est jamais en surplomb. En reprenant conscience de cela, il est possible d’œuvrer pour une préservation de la bio-diversité, et d’atténuer l’impact de notre présence. Selon l’autrice, il est majoritairement question d’amour. D’un amour authentique et serein, irrigué par une envie de remplir les besoins de l’autre. Et que cet amour nous façonne en tant qu’être moral.
Les récits de Kathleen Dean Moore ne sont pas seulement des fenêtres ouvertes sur un ailleurs qui nous emplit d’air frais, ils sont aussi un examen de conscience, une maintenance à effectuer sur notre éthique afin de se replacer à un endroit juste et bon. Une prise de conscience bienvenue de notre existence en tant que sujet agissant.
Sur quoi repose le monde. Kathleen Dean Moore. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josette Chicheportiche. Gallmeister. 2021. 298p.
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