
Le Québec d’Amiante c’est les mines et les forêts, les gars en BMX qui explorent les dompes et font rouler jusqu’en bas d’immenses pneus de tracteurs. Dans l’air quelque chose qui colle et vient se tapir au fond des poumons, les cigarettes des parents allumées à la chaîne. Pour Steve Dubois c’est une mère qu’a abandonné, au fond du seau pour toujours, pis un père qu’a jamais su aimer ses fils. C’est une sorte d’ennui, de journées qui s’étirent, jusqu’à l’arrivée du petit Poulin. Là c’est la révélation, la fulgurance de l’amitié, l’évidence logée au creux du ventre. C’est le bon feu dont on se nourrit. Les cabanes et les classeurs pour collectionner les faits divers, les BDs de Tintin et la piscine en été. C’est l’enfance vibrante, jusqu’au jour où l’enfance éclate. L’après, c’est hors de soi, hors du monde, encotonné et poisseux, au fond de la piscine. Est-ce qu’il existe une vie, après le petit Poulin ?
Comme souvent La Peuplade nous offre de la très belle littérature du Québec. La langue sensible de Sébastien Dulude sait saisir la vulnérabilité de cet état entre enfance et adolescence et nous accompagne dans une chronologie faite d’allers et retours. On oscille entre sublime et tragique, fatum et tentatives désespérées de rébellion face à l’inéluctable. La voix de Steve Dubois est un oiseau qui cherche à prendre maladroitement son envol, emmêlé dans le chagrin, l’adolescence, l’apprentissage d’une masculinité hors norme. Sa fragilité nous foudroie tout autant que sa lucidité. Le regard sur le monde alentour semble épuré, tendu vers une porte de sortie. Et sous le calme apparent on sent palpiter entre nos mains le petit cœur affolé, la gorge en cri muet qui s’étouffe dans le réel.
On ne peut alors qu’être dévasté par la beauté d’Amiante, cette efficace façon de conjuguer le sensible et le chagrin, cette main qui vient nous saisir au cœur, sans pathos ni violons, dans une prose très juste mâtinée de poésie. Une très très grande réussite.
Amiante. Sébastien Dulude. La Peuplade. 2024. 210p.
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