
Je lis dans le roman les descriptions du jardin sur la mer, le jardin qui m’en évoque un autre qui pourtant n’a rien à voir. Celui du roman est en Espagne, il y fait chaud, la mer est toute proche et dans ma tête je vois le jardin, je l’ai sous mes paupières, vibrant. Je le vois comme le jardin qui entoure la très grande maison du couturier, dans la station balnéaire où j’ai passé mes étés d’enfant. Perché sur une falaise, le jardin surplombe la mer et l’été au soir qui tombe le soleil vient dorer les palmes et les haies de buis. La maison du couturier me rappelle l’époque du roman, je superpose les lieux, les impressions. Dehors l’hiver n’en finit pas de napper le monde de sa brume glacée, et au creux de mon lit je convoque les soirs de juillet sur la digue, sur les falaises, dans le jardin qui surplombe la mer. Je me réchauffe à la nostalgie poudrée de ces soirées d’enfance, et la maison du couturier déploie ses petits fantômes. Dans le jardin sur la mer, le mien et celui du roman, on entend dans la nuit des tintements de fêtes, le grésillement des insectes, et le va et vient de l’eau sur le sable, le chuchotement des vagues, ininterrompu, si présent à l’oreille qu’il rend fou ou bien ancre plus que les battement de son propre cœur. Le jardin sur la mer hume la bonne grosse terre grasse et salée, le soin patient, la poudre qu’aucune joue n’a portée depuis un siècle. C’est l’impression fanée d’un monde révolu, et derrière mes rétines, c’est le jardin de la maison du couturier, mon enfance morte elle aussi, le goût des soirs d’été indélébile sur la langue.
On écoute quoi aujourd’hui ?
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