Eltonsbrody, d’Edgar Mittelholzer

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Sur les hauteurs de la Barbade se dresse Eltonsbrody. La demeure de Mrs Scaife se tient au milieu d’une végétation luxuriante, à deux pas de la mer, majestueuse et imposante. C’est là que notre narrateur va trouver refuge lors de son arrivée, lui que les pensions de la ville refusent. Mrs Scaife est un parangon d’hospitalité et il faut simplement ne pas avoir la curiosité d’essayer d’ouvrir les deux chambres condamnées de l’étage, et bien sûr faire abstraction du vent qui souffle en permanence à Eltonsbrody.

Edgar Mittelholzer nous livre avec Eltonsbrody un roman diablement efficace et tout à fait dans les codes du roman gothique. Mais ici il s’agit de gothique caribéen, avec les paysages et traditions propres à la Barbade. Aux thèmes récurrents du genre (vieille demeure, atmosphère inquiétante, pièces condamnées) se mêlent des réflexions sur le racisme et les rapports de domination sur l’île. Mrs Scaife est blanche, ses domestiques sont noirs, l’auteur était métisse à la peau foncée et a connu toute sa vie un rejet (familial puis du monde littéraire) qu’il travaille dans ses romans.

La haine de l’autre et la bascule dans la cruauté irriguent ce roman — qui mérite d’être épargné, quelle folie ne peut être qu’un caprice quand d’autres en payent le prix fort — qui plonge parfois dans l’horreur pure, mais toujours mâtinée de grotesque. Comme devant un film de série B, des scènes sanguinolantes à l’excès viennent contrebalancer une atmosphère poisseuse, étouffante. La fantasque Mrs Scaife nous étonne, jusqu’à parfois nous faire rire de ses élans de délires morbides. Et notre narrateur semble tour à tour dépassé, inquiet sans être affolé — alors qu’il devrait, entre nous soit dit — et d’un pseudo héroïsme prêtant à sourire. Ici, personne n’est totalement ce qu’il paraît être, et c’est pour cela que le roman fonctionne. Ça, et le vent, le vent qui souffle autour d’Eltonsbrody, poussant les personnages jusqu’au bord de la folie.

Eltonsbrody. Edgar Mittelholzer. Traduit de l’anglais par Benjamin Kuntzer. Editions du Typhon. 2022. 258p.

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