Je suis pas la bête à manger, de Nathalie Constans

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C’est Andreas qui me l’a mis dans les mains. Il a dit lis la première page et je l’ai lue et je lui ai dit je te le prends c’est incroyable ce style ces mots c’est fou comme ça prend au ventre tout de suite. Je l’ai laissé sur la chaise pleine de livres pas lus et pendant les vacances j’ai ouvert le rabat car il y a un rabat attention c’est un bel objet et sous le rabat j’ai retrouvé la syntaxe de Nathalie Constans, ses phrases bricolées on ne sait comment mais ça marche, ça glisse sous la langue, ça donne un personnage entier plein de chair et tout en dents devant nous.
Et le petit animal fouisseur dans la forêt c’est No Ouère sa vie dans son terrier ses grands parents avec qui elle vivait avant mais plus maintenant ils bougent plus par exemple. Alors elle part, elle longe le fleuve rouge pour aller trouver on ne sait quoi peut-être des lièvres, des bêtes à manger encore chaudes lorsqu’elle les prend avec les dents dans la grosse veine du cou. Elle est suivie de loin par Ozer, un minuscule invisible qui veille sur elle, depuis son petit tracteur, je sais c’est improbable j’ai l’impression de raconter un rêve mais restez avec moi.
Ce qui est important c’est de se laisser prendre au voyage initiatique tout en symbole et en chimères. C’est la déflagration de l’onirisme sauvage et violent, le prosaïque et le doux, les trois voix (oui j’ai bien dit trois on fait des rencontres en chemin) aux regards différents sur le monde, et voyage physique qui se change en conte. C’est fou et étrange, illustré par Anya Belyat-Giunta dont les dessins sont comme des cauchemars fascinants, c’est une manière d’habiter la littérature, la langue, de la modeler pour la faire vivante, toute palpitante devant nos yeux. C’est beau et ça ouvre en grand l’espace des imaginaires.

Je suis pas la bête à manger. Nathalie Constans. Illustrations de Anya Belyat-Giunta. Editions du Chemin de fer (maison d’édition indépendante). 2013. 133p.

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