Kerfol, d’Edith Wharton

Written by

·

Que l’on soit familier des histoires de fantômes, ou que l’on rechigne à se confronter aux ambiances effrayantes, il me semble que Kerfol puisse convenir à nos goûts diverses. D’une part car ces nouvelles s’inscrivent dans une tradition littéraire gothique assumée et que la préface de Jean-Pierre Naugrette est un trésor, mais d’autre part car mystère reste assez léger et rien ne viendra ici troubler notre sommeil.

Ces cinq nouvelles d’Edith Wharton nous plongent dans une atmosphère chargée de mystère et d’une petite dose d’effroi, car la romancière américaine sait monter en peu de pages un décor chargé d’histoire et d’interrogations. Les lieux sont souvent de vieilles demeures, propices à la hantise. C’est le cas de Kerfol, château breton où des chiens semblent apparaître à certaines périodes et dont l’histoire nous sera rapportée par un local. Dans Après coup, nouvelle qui est peut-être ma favorite du recueil, la hantise est un pré-requis des acheteurs de la maison. Ils veulent leur fantôme, quand bien même la légende voudrait qu’on ne le remarque qu’après coup, longtemps après les faits.

Parfois le fantôme est celui de la jeunesse qui disparaît, ouvrant le champ à toute sorte de regrets, névroses et terreurs. Où bien c’est celui de la promesse non tenue, ou de l’amour manqué. Edith Wharton s’empare des codes du fantastique et en donne une version brillante, où les mœurs sont autant disséqués que les phénomènes surnaturels. La localisation des nouvelles interroge brillamment la difficulté de produire un genre historiquement chargé dans un pays (Les États-Unis) où les attributs du gothique sont absents (châteaux, églises anciennes, etc). Elle s’en tire toutefois avec talent et nous offre à lire 5 récits très différents les uns des autres, mais tous marqués par ce poids inéluctable du fatum.

Kerfol. Edith Wharton. Traduit de l’anglais par Jean-Pierre Naugrette. Livre de poche. 2011. 243p.

Laisser un commentaire