Pour Britney, de Louise Chennevière

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[ …car on ne se tire jamais du dégoût de soi quand il nous a été si intimement enseigné… ]

Louise Chennevière j’avais déjà lu Mausolée, c’était ardent et brutal, une plaie à vif qu’on lèche dans la nuit. Pour Britney conserve la même puissance, cette déflagration du texte lu pas vraiment dans la tête pas vraiment à voix haute juste un peu aspiré entre les dents, l’absence de ponctuation qui nous laisse essoufflée comme il faut parce que c’est un texte qui va vite, qui fonce à cent à l’heure sur nos souvenirs de petites filles, à tombeau ouvert sur nos corps d’adolescentes tout à coup déniaisées du monde, le sourire comme Britney d’abord si pur puis la rupture entre les yeux et la bouche, les dents éclatantes toujours mais un petit quelque chose dans le regard qui s’écaille.

Pour Britney sent les années 2000 et le gloss à la fraise, l’avènement du corps jeune désirable dans la pop culture, la rupture consommée entre la tête et le corps. Louise Chennevière convoque deux figures sacrifiées sur l’autel du fantasme, Britney Spears et Nelly Arcan, et au milieu elle-même, l’enfant puis l’ado qui habite pour la première fois ce corps avec une conscience aiguë du regard extérieur, du regard des hommes, du regard qui fait exister au-delà de la volonté.

Et comme d’habitude avec Louise Chennevière, l’écriture incandescente au rythme saccadé, qui ne se donne pas facilement, vient creuser à même nos ventres de grandes enfants pas tout à fait guéries. Il faut avoir été une jeune fille je crois, au moment de la bascule ténue de la conscience de soi, pour sentir vibrer en nous les mots de l’autrice, son urgence et sa détresse, sa haine sa honte son dégoût son chagrin, tout ce qui remplit un corps offert au monde, incapable à jamais d’éprouver le refuge.

[ Je sais de source vive que, de certaines enfances on ne se remet pas]

On ne se remet pas, non plus des coups au diaphragme de certaines pages. Ici elles sont cornées, pliées, soulignées, encadrées, annotées, petits rappels du regard sur soi qui toujours nous irrigue.

Pour Britney. Louise Chennevière. P.O.L. 2024. 132p.

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