
L’été dernier, un grand appel est lancé sous le nom de #wheniwas15 , une volonté littéraire de montrer qu’à 15 ans on découvre l’amour, le désir, que l’on peut l’écrire et que c’est à la fois touchant et normal. Il y a un an je gribouille quelque chose, j’y reviens, je peaufine, je me replonge dans l’été de mes quinze ans. Aujourd’hui j’avais envie que ce petit bout d’été de jeunesse existe quelque part. La première partie ici et la deuxième à suivre plus tard.
J’ai quinze ans et l’été bat fort contre mes tempes. Je suis partie en vacances à la mer avec une amie en laissant en ville un garçon qui me presse de revenir. Je m’échappe sur la côte en me disant qu’à mon retour, il sera temps de. Que c’est le passage pour devenir adulte, que depuis quelques semaines ses mains sur mon corps se font insistantes, lui connaît déjà tout cela, s’impatiente gentiment mais fermement. Je me suis fixée une limite imaginaire, celle de mon anniversaire. Mais ça y est, j’ai quinze ans, je suis passée de l’autre côté et il va bien falloir que.
Me sentirai-je différente une fois que ça sera terminé ? Que suis-je censée faire exactement ?
On ne m’a rien dit du désir, de la joie de sentir un autre corps brûlant contre le sien, de la connivence à partager le doux, le feu, l’humide. On m’a dit attention et pas trop tôt, et le danger.
Je compte les jours avant de rentrer, pour profiter encore de cet avant, pour prendre des photos avec mon amie, comme des gamines poussées trop vite. On se déguise, on chante à tue-tête, et très faux. S’il est une évidence à propos des vacances de jeunesse et des plages bretonnes, c’est que deux jeunes filles bruyantes et enthousiastes tomberont toujours sur deux garçons rigolards au détour d’un rocher. Je vois flirter mon amie sur le sable avec un garçon pendant que son copain me raconte des blagues. Lui comme moi sommes des personnages secondaires de la romance d’été qui s’écrit devant nous. Il me fait rire, sa peau est dorée par le soleil de Bretagne, ses yeux noisettes pétillent lorsqu’il me parle. Il me déroute avec son aisance à être au monde, sa nonchalance étudiée et les piques que l’on se lance et qui me plaisent un peu trop.
J’aimante mon regard sur ses clavicules, ses bras, les vallées que creusent ses hanches en plongeant dans son short de bain. J’aimerais que ses mains m’effleurent, son corps à quelques centimètres du mien forme un arc électrique.
Tout à coup c’est la révélation, j’ai quinze ans et j’aimerais que ce soit lui qui m’accompagne vers ce territoire inconnu qui m’effraie autant qu’il m’attire. Les jours passent et je n’ose rien, attachée malgré moi par des liens ténus à celui qui m’attend chez moi. La nuit, je repense au garçon de la plage, je fais tourner son nom autour de ma langue, j’anticipe notre rendez-vous quotidien ; dans le noir mes pupilles se dilatent d’impatience. Les jours s’étirent en discussions passionnées, en moments de silence qui me semblent durer des heures, à presque se défier du regard de franchir la frontière tacite qui, irrémédiablement, nous jetterait dans les bras l’un de l’autre. Pendant toute une semaine, et que c’est long à quinze ans, nous tenons des chandelles et nous nous consumons en silence. Le jour de mon départ, il me glisse à l’oreille qu’il aurait aimé plus. On plaisante sur les occasions manquées, gênés l’un et l’autre de se reconnaître dans ce désir dont on ne discerne pas les contours. Tout mon corps est douloureux de ne pas pouvoir le toucher, ma peau s’embrase lorsqu’il pose un baiser sur ma joue. Dans mon ventre, je suis un volcan.
Les vacances sont terminées, je rentre jouer à l’adulte pour avoir quelque chose à raconter à la rentrée. Je retrouve le garçon de la ville sans envie, avec le sentiment d’une étape obligée. J’espère seulement que ce sera rapide et qu’il sera un peu doux. Tout à coup, je me rends compte que je suis devenue le territoire à conquérir, qu’il n’y aura aucune découverte partagée, que chacun de nous se débattra entre ce qu’il pense être son envie et le rôle que l’on nous demande de jouer. Au moment de rentrer dans le pathétique appartement qu’il partage avec sa mère, j’ai froid. L’été semble si loin, la plage bretonne est désertée, j’ai quinze ans et cela n’a rien d’une victoire.
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