
Je suis rentrée de la ville inconnue, j’ai déposé ma valise, le ventre un peu lourd de ces voyages qui nous remplissent et viennent se loger dans un endroit creux en nous. L’appartement était le même, rempli de ses fantômes de tous les jours. Je ne sais pas ce que je croyais perdre dans les rues arpentées, peut-être le petit animal sous ma peau qui fouisse dans mes nuits sans sommeil. Je suis rentrée de la ville inconnue chargée de lumières et d’images et de rues, de goûts et d’odeurs, lestée de beau pour m’arrimer au sol, les épaules chargées. Je suis partie loin et j’ai ramené un morceau de l’enfance, un morceau caché dans mes espaces liminaires, en errance depuis si longtemps que je ne me rappelais pas qu’il était sous mes yeux tout ce temps. Il faut parfois mettre de la distance entre soi, porter un regard lavé des jours qui se suivent, se rappeler d’où l’on vient, ce que l’on a dissimulé entre ses plis.
Je suis rentrée de la ville inconnue la peau piquante de joie, les yeux cernés et dans la gorge coincé un vieux chagrin. Le printemps tout juste né fait s’ouvrir en corolles mes abîmes. Je crois que je cherchais, le long des canaux, un endroit confortable pour m’y déposer, un refuge où dormir dans les nuits sans lune de ma mémoire. Je m’éveille nauséeuse, me remonte sur la langue le goût des années terreuses longtemps enfouies, la peau tendre sous mes cils se colore de mauve. Je m’éveille dévorée et vomie par ma part de nuit, et c’est comme le premier matin. L’étendue devant mes yeux est une plage vide. Si je ferme les yeux, à mes oreilles la musique de la mer se mêle au vent contre mon tympan. Lentement je me déplie, je laisse l’air gonfler mon ventre, j’apprends à rouvrir les portes longtemps fermées, j’ai toutes les nuits du monde pour dormir, pour m’habiter à nouveau.
On écoute quoi aujourd’hui ?
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