
Le ciel s’est ouvert en deux et sous la chape de gris de la veille, la nuit a laissé s’engouffrer le printemps. Le matin sature mes sens de ses odeurs de fleurs, de cris d’oiseaux, de rayons qui balaient les murs de la chambre jusqu’à m’éblouir. Au creux des journées dures, j’apprivoise la lenteur. Je me rétablis d’années entières à refuser le doux, à rester sourde à mon corps. Je regarde avec circonspection la discipline que l’on m’a inculquée et dont j’ai cru si souvent manquer. Le besoin de m’accrocher aux règles et aux rituels, le poing serré à en faire blanchir mes articulations. Dans le soleil revenu j’écoute le corps, j’écoute les envies. J’écris, j’écris tant que je retrouve la sensation douce de déployer une pensée, une histoire. J’écris et je me demande ce que je veux dire, et comment. J’écris et se forme sous mes yeux quelque chose de plus grand que je ne le croyais. J’y passe des heures radieuses, absente au monde, je vis ailleurs, dans le roman. J’accepte de, peut-être, pouvoir en faire quelque chose. Je me défais dans le printemps poudré de la rigidité de l’hiver. C’est ma peau d’animal boréal qui se réchauffe, les minuscules taches de rousseur qui, timides, se répandent sur mon nez. C’est la vie fenêtres ouvertes qui revient, le soir qui traîne, la promesse de la langueur. Je panse mon ventre toujours vide et mon cœur déserté en m’enjoignant à la joie, en chérissant les mots qui toujours me consolent. J’apprends à accueillir, impuissante et tranquille, l’incertitude, le chagrin. Et si le rythme effréné du dehors me tire sur le corps, dès que je rejoins l’appartement cocon j’abolis le séquençage du temps. Je ne regarde pas l’heure, je me fie au corps, à ses envies, à ses urgences. Je temporise la vie hors les murs par un industrieux travail d’abandon, au dedans. Pour une fois je m’écoute et m’étonne, de trouver ma voix aussi audible.
On écoute quoi aujourd’hui ?
En boucle l’album de Viviane Audet qui accompagne les heures d’écriture, mais, plus précisément, ce morceau.
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