
« Laura perched on one of the tables and I was grateful when they began to talk shop. I hated small talk. Hated listening to people yammer on about their landlords and their boyfriends and their banks. I hated sharing the staffroom with strangers, and figuring out what I was expected to say when they asked me a banal question like « what are you reading at the moment ? » or « what kind of music do you like? » as the truth was never the right answer, always killed the conversation dead. »
Roach est libraire à Londres, dans une librairie qui n’est pas économiquement au mieux de sa forme. Cela fait des années qu’elle travaille là, et qu’elle occupe son temps libre avec de nombreuses heures consacrées au true crime. Podcasts, livres, recherches sur internet. Elle est fascinée, incollable. Sa vie sociale est extrêmement limitée (mis à part son escargot géant de compagnie), et communiquer avec les autres ne semble ni une priorité, ni un talent. Lorsque Laura, libraire d’une autre branche, rejoint l’équipe, Roach est persuadée qu’elles vont devenir de grandes amies. Il faut dire que Laura est parfaite, avec ses petits vêtements assortis, son air d’intello indie incroyablement cool. Les bonnes références au bon moment, une entente impeccable avec ses collègues arrivés en même temps qu’elle, la poésie qu’elle écrit et quelque chose en lien avec le true crime. Une expérience personnelle ? Un trauma familial ? Roach trouve dans la poésie de Laura quelque chose qui lui parle. C’est certain, elles ont des tas de sujets à partager.
Mais Laura ne semble pas du tout avoir envie de fréquenter Roach, l’obsession de celle-ci pour les tueurs en série la répugne, elle la trouve bizarre, gênante. Elle est coincée dans un abîme de chagrin lié à la mort de sa mère, dix ans plus tôt et compense son crush pour son collègue de travail par une sociabilité performative. Laura est parfaite pour qui n’y regarde pas de trop près. Sinon, Laura est déprimée, alcoolique, en perpétuelle quête d’attention, et très seule. Laura possède exactement les qualités dont Roach a besoin pour faire d’elle l’objet de son obsession.
J’avais beaucoup vu passer ce titre sur les réseaux sociaux, et ma chère Taous Merakchi m’en avait dit tant de bien (nous qui aimons les héroïnes étranges et gênantes, les ambiances dérangeantes) que j’ai craqué la dernière fois que j’ai mis les pieds dans un Waterstones. Et, comment vous dire ? Lire Death Of A Bookseller, c’est regarder un accident sur le bord de la route. On aimerait détourner les yeux du désastre face à nous, on se retrouvé hypnotisé-es et incapables de stopper la fascination morbide. La construction en alternance de points de vue permet d’accéder de manière omnisciente à l’engrenage en marche. On sait dès le départ que ça va mal se passer, mais on reste pour savoir à quel point. Et si notre empathie est au départ totalement dévouée à Laura, le fait de gratter son vernis de perfection apporte une touche de complexité bienvenue au roman. Il n’est pas question d’une pauvre jeune femme dévouée, adorable, harcelée par une maniaque déséquilibrée. Ce serait si simple si c’était ça. Par contre il est question de santé mentale, de harcèlement, de névroses, de féminicides, de comportements obsessionnels, de rivalité féminine et des fantasmes que l’on peut se créer. Et je préfère prévenir là-dessus, car ces sujets peuvent heurter.
Je sais que l’atmosphère de ce roman peut rebuter. Ma collègue Ayla n’a pas pu dépasser les premiers chapitres, trop mal à l’aise face à ce qui se dessinait. Personnellement je me suis délectée de cette ambiance malsaine, du dévoilement progressif des personnages, de la tournure que prennent les événements. Et je ne vous spoilerai rien, si ce n’est que, vraiment, it’s the gift that keeps on giving. Vous pensez être arrivé-es au bout de la zinzinerie ? On en remet une couche, parce que c’est Noël. L’étau se resserre, on ne veut plus lâcher le roman.
Au-delà de ça, c’est un roman qui se passe dans une librairie londonienne, donc autant vous dire que j’étais ravie, que ça parle très bien de ce métier, du rapport aux clients, aux collègues, à la manière d’organiser le temps et l’espace. Et que la lecture de ce roman m’a relancée dans l’écoute active des podcasts d’Ashley Flowers et Brit, Crime Junkie. Je crois que l’autrice elle-même a un podcast de true crime, que je vais donc aller chercher prochainement, car je suis un pur produit de cette société qui fait de l’entertainment avec les VSS.
Ah, si, pour celleux qui lisent en français uniquement, il est sorti d’abord aux éditions La Croisée, puis en poche au Livre de Poche.
Death Of A Bookseller. Alice Slater. Hodder and Stoughton. 2024.391p.
On écoute quoi aujourd’hui ?
Mon british préféré, ce petit coeur d’Alex Turner dont la voix me rend liquide, qui reprend Tame Impala. Je vous l’avais dit, c’est Noël (y’a plus de saisons).
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