Sorcière misandre

Si vous avez l’habitude de suivre les niçoises aventures de Ghjulia Boccanera, alors vous savez que le précédent opus nous a laissés face à un suspense insupportable. Dan, le sémillant colocataire et âme sœur de notre Diou bien aimée, gisait sur le sol de sa galerie, inconscient.

Et c’est dans le coma qu’il démarre ce cinquième tome. Diou, quant à elle, arbore un œil au beurre noir de toute beauté. Il y a donc une enquête à mener. Mais un drame peut en cacher un autre, et c’est ce bon vieux Santucci qui va en faire les frais. Rajoutez-moi la chienne d’une voisine, une procession avec un vrai morceau de la croix et la voix de Dan qui nous raconte une vieille histoire d’amour et vous aurez l’ambiance d’Un seul œil.

Comme à son habitude, Michèle Pedinielli sait nous tricoter une histoire où tout s’emboîte parfaitement, où les trajectoires humaines s’emmêlent et nous touchent. On continue d’arpenter Nice, et de voyager dans le passé au gré des confessions de Dan. Mais ce cinquième tome est également plus dur, plus plombé émotionnellement. C’est le roman du deuil, du chagrin qui aspire. Le cœur est lourd chez les personnages, le spectre de la perte rôde et les yeux sont humides. Comment vivre après le mort d’un proche, comment envisager la vie sans les rires, bons mots, petits plats de celleux qui nous sont chers ? Michèle Pedinielli sait parler à cet endroit en nous qui redoute l’abandon, qui chasse le mauvais œil pour de prémunir des malheurs, qui collectionne les photos pour ne jamais oublier un regard ou un sourire. Elle écrit la pulsion de vie pour nous rappeler que tout passe, et c’est cathartique.

Mais elle sait aussi créer une jolie surprise, une connivence littéraire que les amateur.ices de polar sauront goûter (et quand je dis goûter c’est que l’invité surprise de ce volet est un fin gourmet, en plus de faire regner l’ordre dans la plaine du Pô).

Un seul œil. Michèle Pedinielli. Editions de l’aube (maison d’édition indépendante). 2025. 279p.