An Academic Affair, de Jodi McAlister

Written by

·

Pour vous donner une idée de l’ambiance, sachez que j’écris cet article accompagnée d’une playlist de Noël, dans mon plus beau pyjama en flanelle à carreaux rouges et blanc. On est mi novembre et pourtant la magie des fêtes bat déjà son plein dans mon appartement – sapin exclus, n’exagérons pas, on en reparle dans quinze jours. Alors dans cette débauche de doux, de clichés et de bons sentiments, et au milieu d’un moment de vie un peu compliqué au niveau anxiété, j’ai eu envie de quelque chose de tellement doudou que je pourrais m’enrouler dedans et dormir comme le gros bébé que je rêve d’être pour quelques heures.

Le meilleur remède dans ces cas-là, c’est une bonne romance de derrière les fagots, une avec mon trope1 préféré : les ennemies to lovers. Chacun-e gère ses névroses comme iel peut, rien ne me fait plus glousser et battre des pieds comme une ado que deux personnages un peu trop drapés dans leurs préjugés et leur orgueil (shout out Jane), qui se détestent avant de se rendre compte que toute cette haine accumulée est en fait un véritable générateur de tension sexuelle. J’avais commandé pour la librairie An Academic Affair en me disant qu’une histoire se passant à l’université pourrait être sympa. L’énorme nerd qui sommeille en moi, intellectuellement – mais pas que – excitée par les blazers en tweed a donc été plus que comblée.

Comme souvent, le pitch est plutôt simple : deux universitaires, Sadie et Jonah, ont passé leur vie d’adulte (ces quinze dernières années) à être rivaux. Ils ont fait leurs études ensemble, s’affrontant dans de mémorables joutes verbales, se sont opposés lors de leur thèse, ont donné des cours conjointement où leurs disputes ont été un véritable moteur pour l’apprentissage de leurs élèves. Ils ont été obligés de cohabiter dans la même colocation, leurs revenus ne leur permettant d’avoir un appartement individuel. Leur statut universitaire est précaire, les frontières de la politesse entre eux, encore plus. Alors le jour où une annonce pour un poste correspondant à leurs compétences se libère, à l’autre bout de l’Australie, les deux sautent sur l’occasion et postulent. Chacun-e a une excellente raison de vouloir ce poste, mais aussi suffisamment d’empathie avec l’autre (oui, on reste humains tout de même) pour savoir que sa victoire mettrait l’autre en échec, à la fois sur le plan professionnel et personnel.

Tout est improbable, on s’en fout. Dans la romance, l’un des postulats de base est la suspension d’incrédulité. Alors on passe au-dessus des solutions plus réalistes qui auraient pu être envisagées pour régler cet épineux problème de : un poste, deux candidats, qui certes aurait pu être géré autrement, mais nous aurait privé de tropes savoureux comme « fake relationship », « only one bed », ce genre de choses. J’ai été vraiment très agréablement surprise par cette romance, dont j’attendais assez peu, si ce n’est que ça ne soit pas vraiment trop stupide. C’était super. Le milieu universitaire donne lieu à pas mal de références assez intéressantes. Je veux dire, apprendre des choses sur Deleuze, Derrida, Paul Ricoeur, ou la pensée de Zygmunt Bauman n’était pas forcément ce que j’avais en tête en me lançant dans une romance. J’ai également été très séduite par l’usage récurrent, comme une manière de briser le quatrième mur, des notes de bas de page par le personnage masculin. Chacun ses kinks, mais de bonnes et plutôt drôles notes de bas de page, ça marche pour toi.

Pour le reste, au-delà de leur histoire d’amour qui s’écrira devant nos yeux car on sait où on est, pas de surprise, le roman aborde la question des fratries, nos liens avec nos frères et sœurs, la dynamique de nos familles et comment tisser un lien fort mais sain entre frères et sœurs. En mettant en lien deux personnages issus de milieux très différents, les préjugés initiaux se changent en compréhension et en empathie, ça peut sembler crétin, mais c’est plutôt une manière assez saine d’envisager les relations. La question de la précarité des universitaires, ainsi que du sexisme présent à l’université est aussi plutôt bien traitée. Se battre pour ses droits et ceux des gens autour de soi pour créer un cadre de travail serein, voilà qui traverse également le roman. Si l’on peut déplorer une consommation vraiment déraisonnable d’alcool – bien que sous la forme de vin bio produit localement – An Academic Affair fait preuve de beaucoup d’humour (ce que j’adore avec les anglo-saxons, j’ai toujours l’impression que les romances françaises, ou les traductions, se prennent vraiment au sérieux) et se place directement dans mon top du genre.

An Academic Affair. Jodi McAlister. Simon & Schuster. 2025. 363p.

  • On écoute quoi aujourd’hui ?

Pour les ronchons des playlists de Noël, laissez-moi être votre lutin facétieux et vous proposer quelque chose que vous ne pourrez pas détester : Cat Power dans une reprise tout en douceur. Allez, laissez-vous porter par la magie…

  1. Un trope est un schéma narratif récurrent dans la fiction. C’est un concept particulièrement récurrent dans la romance, qui a tendance à faire de ces tropes des catégories pour aiguiller les lecteurices vers des types d’intrigues qui leur plaît particulièrement. Par ici vous aurez une liste de tous les tropes récurrents en romance. Il y en a beaucoup qui ne m’intéressent absolument pas (et tant mieux, c’est comme les kinks, il en faut pour tout le monde) mais j’admets avoir mes chouchous. ↩︎

2 réponses à « An Academic Affair, de Jodi McAlister »

  1. Avatar de Claire

    J’avoue que ça fait un sacré moment que je n’ai pas lu de romance, ta chronique me donne envie de tomber dans la marmite tout de suite 🙂 Merci !

    J’aime

    1. Avatar de Sol

      C’est idéal quand on veut quelque chose de très réconfortant, avec de l’humour =)

      J’aime

Laisser un commentaire